Comme je l’ai écrit dans l’article précédent, c’est à la fin de notre séjour à Orlando que mon mari a pris conscience que la situation dégénérait en Europe. Il a alors commencé à lire les articles et études qui sortaient quotidiennement afin d’essayer d’avoir une idée de ce qui allait pouvoir se passer au Canada à notre retour.
De retour chez nous, après m’avoir partagé pas mal d’études, de statistiques, de témoignages de médecins en 1ère ligne, il a peu à peu réussi à me faire sortir de mon monde de bisounours.
Tout doucement, j’ai commencé à admettre que, peut-être, la situation allait dégénérer et qu’il fallait s’y préparer. Alors j’ai acheté plus de courses que d’habitude, épluché et congelé fruits et légumes. Dans la semaine suivant notre retour, j’ai peu à peu constitué un stock de denrées non périssables ou à dates longues, acheté du l’ibuprofen et du paracétamol pour toute la famille, des vitamines pour les enfants et ai trouvé du gel hydroalcoolique en petit format pour les boites à lunch des enfants et un grand format pour les remplir ou mettre dans le distributeur à l’entrée de la maison.
Mercredi 11 mars, tous les signaux sont mauvais. La situation dégénère en Europe et les cas se multiplient au Canada. Je décide de retourner faire un « ravitaillement » au cas où. Il n’y a personne dans le magasin, je me sens bête, me demande ce que je fais là mais continue en gardant en tête que, même si mon cerveau ne veut définitivement pas admettre qu’il y a quelque chose d’inhabituel qui se prépare, je dois faire confiance à mon mari qui se trompe rarement quand il ne « sent pas » quelque chose.
24h suffiront à lui donner raison. Les écoles ferment, certaines mesures sont prises, les gens prennent peur et la suite vous la connaissez: cohue dans les supermarchés, fermeture progressive des installations publics, annulation d’évènements en cascade…
Grâce à l’anticipation rendue possible par l’acharnement de mon mari à ne pas vouloir se laisser prendre de cours, nous avons évité la panique, le stress, les tensions.
Les jours de préparation n’ont pas été évidents. J’avais l’impression d’être sans cesse en décalage avec la réalité des personnes autour de moi et de passer pour une angoissée alarmiste auprès de ma famille. J’aurais bien évidemment préféré que John se trompe et qu’on se moque gentiment de moi à la prochaine réunion de famille.
Aujourd’hui, cette impression de décalage ne m’a pas quittée. Lorsque je promène mon chien et que j’évite tous les gens que je croise, j’ai l’air de quoi?! Alors je me répète les paroles d’Eric Jozsef, correspondant de Libération à Rome: « Vous passerez pour des imbéciles au départ (…) mais il vaut mieux passer pour un imbécile que de ramener le coronavirus à des proches qui sont fragiles ».