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3. C’est le nombre en milliards d’êtres humains confinés. La moitié de l’humanité. Waouh ! Tout de suite on se sent moins seul. Incroyable. Qui aurait pensé voir ça… C’est aussi le seul nombre que j’ai sur l’épidémie ces derniers jours. Il y a des jours où nous n’allumons pas la télévision à part pour regarder des films. Pas de mauvaises nouvelles, pas de chiffres qui donnent le tournis, qui nous font mettre les deux mains devant la bouche et monter les larmes aux yeux. Pas de moments où nous demandons aux filles de sortir de la pièce parce que nous sommes assis à essayer de comprendre l’inexplicable. Et puis il y a des jours où nous sommes assez courageux, où nous osons, où nous avons suffisamment dormi pour pouvoir entendre. Des frissons nous parcourent le dos. Demain c’est sûr, nous ne regarderons rien. Politique de l’autruche ? On se protège comme on peut.

3. C’est le nombre de semaines de confinement pour la France. Il faut selon moi le multiplier par 3 avant d’espérer seulement remettre un pied dans la rue. Reverrai-je ma classe cette année…? Parfois je décroche suffisamment de la réalité pour croire que tout a repris son cours normal -c’est souvent quand je cuisine- pour croire qu’on frappe à la porte, que mes parents vont rentrer avec les filles après l’école. Pour croire que l’entreprise qui doit changer ma baie vitrée intervient. Pour croire que je vais conduire la voiture pour aller travailler… Mais la minute suivante, je secoue la tête et retombe sur Terre. C’est impossible. Truc de dingue…

Et l’autre matin, lueur d’espoir. La secrétaire de l’orthodontiste des filles nous appelle pour nous refixer le rendez-vous reporté de mars. Le nouveau rendez vous est fixé le 26 mai. Ça m’a mis du baume au cœur. Parfois il ne faut pas grand chose. La vie normale reprendra. Peut-être…

3. C’est le nombre d’heures d’affilée que je peux consacrer aux tâches ménagères pour me vider la tête. Avez-vous déjà fait 3 heures de ménage sans pause ? C’est épuisant mais quel excellent exutoire !

3. C’est le nombre de cours de Pilates que nous prenons par semaine avec notre prof par le biais de Skype. Un vrai moment d’évasion. On essaie de bouger et de rester en forme. Pour mon aînée, c’est indispensable. Elle danse minimum 3 heures par semaine en temps normal. Elle a toujours dansé plus qu’elle ne marche. C’est un crève cœur pour elle ce confinement. Elle ne dit rien mais je le vois sur son visage quand elle se lève le matin. Mais difficile de poursuivre les cours à distance. Les positions de pieds, du corps doivent être corrigées pour éviter de se blesser. Alors elle tourbillonne dans la maison, dans le jardin. Elle y entraîne ses sœurs et parfois elle pleure.

3 quarts d’heure. C’est le temps qu’il me faut pour suer à grosses gouttes sur le tapis de course. Bien que je ne cours pas, trop dur pour mon dos et pas assez de souffle. L’anémie me permet à peine de monter l’escalier une fois par jour sans être essoufflée. Alors je marche très très vite avec la musique sur les oreilles.

3. C’est le nombre d’enfants dont il faut gérer les angoisses. Alors on détourne leur attention. On plaisante. Bientôt on mettra la piscine. Comment va t-on acheter des chaussures d’été ? Et on rit. Heureusement, avec de la chance, un événement joyeux devrait bientôt les distraire un peu.

La vérité c’est que nous vivons pour nous 5. Égoïstement. Il paraît que nous sauvons des vies en restant dans notre canapé. Même si je suis persuadée que c’est vrai, c’est très difficile de rester là, sans pouvoir rien faire de plus. Nous sommes dans notre monde. Nous nous préservons et préservons donc nos enfants. Nous avons deux réalités. Celle qui nous fait nous organiser comme nous voulons et vivre plus ou moins à notre rythme, celle où nous rions et on nous ne pensons à rien d’autre qu’au prochain repas. Et il y a celle où on ne peut plus faire de plan, où on pense à nos familles, nos amis, où on prend des nouvelles la peur au ventre, où si on avait su qu’une telle chose pouvait se produire, on aurait peut-être réfléchi à deux fois avant d’avoir une famille. Nous adorons nos enfants mais lorsqu’on les met au monde, on voudrait qu’ils n’aient jamais à vivre de situations extrêmes. De mon point de vue nous sommes en guerre. L’ennemi est invisible et nous ne risquons pas de prendre une balle en redressant la tête mais il y avait sûrement du soleil au dessus des tranchées…

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