Le début !

Les vacances d’hiver 2020

Je me souviens de m’être dit, après être tombée dessus plusieurs fois, en passant, aux infos : « mais c’est quoi encore cette histoire de virus …! »

Je me souviens de m’être arrêtée devant la télé et d’avoir regardé, un peu. Le virus faisait des morts en Chine et déjà en Italie et on parlait de confinement.

Et puis c’est resté là, dans un coin de ma tête. Je me souviens de m’être vaguement demandé si nos voisins qui devaient faire un séjour à Rome, partiraient toujours.

Je me souviens d’avoir emmené les enfants à la piscine à Amiens (je déteste la piscine, les microbes, la même eau pour tout le monde…) et de m’être dit : « chouette ! il n’y a pas trop de monde. On risque moins d’attraper un truc. »

« Attraper un truc »!

Je suis malade chronique et vaccinée pour tout je crois, pour risquer moins d’ « attraper un truc » parce que ça pourrait avoir des conséquences plus graves chez moi que chez les autres. Enseignante en maternelle, je suis donc très prudente parce qu’avec les tous-petits -qui s’accrochent à ta jambe toute la journée et qui ont toujours le nez qui coule, qui toussent…- j’évolue dans un vivier de microbes. Je dois me laver les mains genre trente fois par jour, un jour normal. Dans la classe, le gel hydroalcoolique est un accessoire indispensable posé sur l’appuie de fenêtre. Un mouchage = un coup de gel.

Je me souviens que deux jours plus tard, nous sommes allés à Lille pour la journée. D’ordinaire, nous nous garons à Euralille et nous passons par la galerie marchande pour ensuite nous balader au centre ville. Mais cette fois là, je me suis dit que passer par Euralille n’était sans doute pas une bonne idée avec ce virus qui circulait en Chine et qui était déjà en Italie, tous ces gens à la montagne au ski et qui rentreraient forcément chez eux après…

Et puis le dimanche soir est arrivé et avec lui un mail dans mon école et un mail identique envoyé par celle des filles : certains enfants ayant séjourné dans certaines parties du monde et même de France ne seront pas accueillis à l’école… Et le mot « cluster ». Et les mails de parents affolés qui ont suivis. Et les gestes barrières que j’applique tous les jours dans mon travail. Et encore ce mot « coronavirus ».

Mais on doit retourner au boulot, c’est encore loin tout ça… Quelques recommandations aux filles : on n’étreint pas les copines, pas de bisous, on se lave bien les mains, souvent… On plaisante avec les collègues à l’école : « ça va être évident tous ces gestes avec des petits… » « Dans notre village de campagne ça ne craint rien. » Mais la vision du monde se modifie légèrement. C’est là, comme une gêne.. On supprime les serviettes en éponge aux toilettes, que du papier, puis également à la cantine. On écarte un peu les lits à la sieste. Les mails se succèdent au fil des jours avec tout et son contraire. Formations, rendez vous avec les parents, catéchisme, cours de danse, de pilates… la vie continue ! Ca m’ennuie de continuer à aller travailler dans cette situation, moi qui adore retrouver mes élèves le matin. J’envoie un mail au CHU : n’y a-t-il pas trop de danger à continuer à travailler en maternelle ? Pas de problème si je prends des précautions.

Le mardi c’est mon jour OFF. D’habitude je bosse à la bibliothèque du centre ville d’Amiens mais ce mardi 10 mars, je décide de rester à la maison. Trop de monde en ville… Je récupère les filles à la sortie de l’école, c’est bizarre, on se tient à distance des amis pour échanger quelques mots. On se dépêche, on doit faire des courses, Dimanche c’est la communion de ma seconde fille. J’en mets beaucoup plus que nécessaire dans le caddie. Sans trop savoir pourquoi… Par précautions, on garde les gants pour faire les courses et payer.

Mercredi. Notre spectacle au Zénith est annulé. On s’en doutait un peu. D’ailleurs plus trop envie d’y aller. Demain il faut retourner en classe… Avec tous ces petits…

Et puis jeudi soir, on y est ! Tout s’accélère ! Le président prend la parole, les mots défilent sur l’écran : les écoles ferment. Enfin, je suis soulagée. On discute avec mon mari. Si je l’attrape ce virus qui est plus grave pour les malades chroniques et qu’il m’arrive quelque chose, il prendra bien soin des filles évidemment et j’envoie dans la foulée un SMS à ma famille: je préfère reporter le repas de famille prévu Dimanche. Nous irons à la messe tous les 5. Et cette pensée, que demain vendredi, je dois y retourner pour tout organiser et tout expliquer aux petits. Comment vont-ils comprendre çà… ? J’annonce le tout aux filles et leur demande de vider leurs cases en classe et de tout ramener. On pourra travailler.

Le lendemain, journée normale pour ne pas faire peur aux élèves. Midi. 31 petites paires d’yeux rivés sur moi: « les enfants nous allons repartir en vacances parce qu’on n’a pas trop envie d’attraper la petite maladie. Mais on va se retrouver bientôt ! Vous allez travailler bien sûr, mais avec papa et maman. » Ils font comme si ils avaient compris… Je finis ma journée, il me reste à convaincre que la communion de dimanche doit être reportée. On garde ses distances dans la salle paroissiale. « Pas de regroupements de plus de 100 personnes et sanitairement avec les gestes de l’Eucharistie on n’est pas dans les gestes barrières. » Les familles sont compréhensives, on reporte tout.

Je rentre chez moi et referme la porte d’entrée derrière moi jusqu’à nouvel ordre. On ne sort plus. Et je souffle un grand coup.

Le confinement général ne sera annoncé que quelques jours plus tard.

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